Le site de la commune d’Allons publie volontiers une page du futur ouvrage de Monsieur Henri JOANNET (avec son accord) sur les Compagnies de Travailleurs Etrangers des Mées pendant la seconde guerre mondiale.
L’histoire oscille en permanence entre connu et l’inconnu malgré toutes les preuves écrites. Les interprétations peuvent être multiples. Chaque lecteur peut donc avoir son propre jugement et la présente publication n’engage que l’auteur que nous remercions pour sa contribution à nos recherches historiques.
JM P
Histoire d’Allons dans l’Histoire:
Au début de l’année 1939, la guerre civile en Espagne se termine par la retraite des soldats de la République qui se réfugient en France (la « Retirada »).
Les hommes sont entassés dans des camps de fortune sur les plages du Roussillon tandis que les familles qui ont suivi certains d’entre eux sont dispersées dans les départements de l’intérieur. Le mouvement de population est estimé à 450 000 personnes. Près de 2000 femmes, enfants et vieillards arrivent à Digne début mars et sont répartis entre les communes du département.
Elles retrouveront le chef de famille plus tard et un retour important des réfugiés vers leur pays s’effectuera, encouragé par Franco, avec des conséquences plutôt néfastes pour la plupart de ceux qui auront choisi le retour.
Par décret du 12 avril 1939, les réfugiés de toutes nationalités sont intégrés dans des formations à caractère militaire, les Compagnies de Travailleurs Etrangers (CTE), mais elles sont la plupart constituées d’Espagnols. Ils remplacent les hommes qui ont été mobilisés dans les usines d’armement, ou bien avec la pelle et la pioche, ouvrent ou améliorent des routes jugées stratégiques aux frontières. Ainsi plusieurs CTE, dont la 11e, participeront dans le nord des Basses-Alpes à l’amélioration des routes. N’oublions pas que l’Italie de Mussolini est alors menaçante.
Avec la défaite devant l’Allemagne, les CTE sont transformées en Groupes de Travailleurs Etrangers (GTE) afin de suppléer au manque de main-d’œuvre (soldats faits prisonniers en Allemagne).
Dans les Basses-Alpes, le GTE 213, issu de la CTE 213 basée à la poudrerie de Saint-Jalles en Gironde, s’installe aux Mées. Les Espagnols sont rejoints par d’autres réfugiés qui ont fui le nazisme (Allemands, Polonais, Autrichiens, Sarrois, etc.). Une partie va travailler à l’usine de Saint-Auban, d’autres sont affectés aux mines de charbon (Saint-Maime, Sigonce …), aux chantiers des Eaux et Forêts pour le bois et son charbon, auprès des entreprises artisanales, agricoles, forestières, etc.
Suite au débarquement du 6 juin 1944, les Maquis de la Résistance dans les Basses-Alpes manifestent avec éclat leur présence dans plusieurs bourgades (prise de la cité, cérémonie au monument aux morts, etc.,). Aussi, les troupes allemandes réagissent fortement. C’est dans ce cadre qu’une colonne allemande, accompagnée de miliciens français, se dirige vers Allons le 20 juillet.
Voici les propos de Simone Cavallo née Cauvin d’après les récits de ses parents:
« Lors de la Deuxième Guerre mondiale, cinq réfugiés espagnols dépendant du GTE des Mées travaillaient à Allons au hameau de La Moutière comme charbonniers: Auguste Boué surnommé Risqui, son frère Jean Boue, Ramon Lopez, Émile Cortes et un certain prénommé Vincent.
Les chantiers du charbonnage étant éloignés du hameau, à tour de rôle, un des ouvriers apportait le déjeuner à ses camarades. Le 20 juillet 1944, c’était le tour de Ramon Lopez. Vers 10 heures 30, il allait préparer le repas lorsqu’il fût surpris par l’arrivée d’un camion chargé d’un détachement de soldats allemands et d’une traction de miliciens qui suivait. Il prit peur et se mit à courir; du camion, les soldats lui tirèrent dans le dos et le tuèrent. Ils le laissèrent mort sur place et continuèrent à progresser sur Allons où ils arrêtaient deux hommes, un exploitant forestier et mon père. Ils les libéreront vers 15 heures avant de quitter la vallée, heure à laquelle le corps de Lopez pût être récupéré.
Après la guerre, Jean Boue s’est installé au village en épousant une de ses habitantes.
Chaque année, avant que ce dernier ne quitte la vallée pour son activité professionnelle, les témoins espagnols de cet assassinat se réuniront le jour anniversaire ».
Ramon Lopez a été enterré au cimetière d’Allons. Mais, depuis quelques années, malheureusement, sa sépulture n’est plus visible dans le cimetière.